Entre 2005 et 2021, la part de la Chine dans la production mondiale de panneaux photovoltaïques est passée de 6% à 70% alors que celle de l’Europe a chuté de 28% à moins de 3%. Une main-d’œuvre 35% moins chère et des investissements massifs de près de 50 milliards d’euros en sont les principales causes, entraînant aujourd’hui un déferlement de panneaux d’origine asiatique sur le vieux continent. Alors que 95% du marché européen des panneaux solaires est aujourd’hui contrôlé par la Chine, le gouvernement ambitionne de reprendre la main sur cette industrie et compte bien faire bénéficier l’économie française des emplois qui pourraient en découler.
C’est en tout cas l’objectif affiché dans le nouveau « Pacte Solaire », lancé en avril 2024 par le ministre délégué chargé de l’industrie, Roland Lescure, et plébiscité par le ministre de l’économie Bruno Lemaire lors de sa récente visite d’une centrale solaire EDF à Manosque.
Le nouveau « Pacte Solaire » signerait-il le début de la production à grande échelle de panneaux photovoltaïques en France ?
Deux axes principaux découlent de ce pacte : doubler le rythme de déploiement des capacités d’énergie solaire sur le territoire français d’ici 2030 et soutenir la production de panneaux solaires made in Europe face à la domination chinoise. L’objet de ce pacte est avant tout basé sur des engagements réciproques :
- D’un côté l’Etat s’engage à soutenir le développement du solaire en France, avec la mise en place de réglementations favorables, notamment via le renforcement des critères carbone et la mise en œuvre progressive de critères de résilience dans le soutien public.
- De l’autre, les développeurs choisissent de recourir à davantage de panneaux français dans leurs achats, grâce à un groupement d’intérêt leur permettant de passer des commandes de long terme aux usines.
Accélération du déploiement photovoltaïque et soutien aux gigafactories
En réponse aux nouveaux objectifs du gouvernement fixés fin 2023, visant à installer entre 75 et 100 GW de puissance photovoltaïque d’ici 2035, il serait nécessaire d’accélérer le déploiement à un rythme de 6 GW par an. Cependant, en 2023, seulement 3,2 GW ont été installés, ce qui est loin de ce rythme. Pas question pour le gouvernement de faire bénéficier des 20 milliards d’euros d’investissement nécessaires à l’atteinte de ces objectifs à d’autres pays. Pour cela, une seule solution : bâtir une filière industrielle des panneaux photovoltaïques en France.
L’un des axes principaux du « Pacte Solaire » consiste à soutenir le développement de la filière de production des panneaux photovoltaïque en dans l’Hexagone et notamment les projets de deux usines de production de panneaux photovoltaïques pour un investissement total de 2,2 milliards d’euros :
- 50 hectares à Hambach, en Moselle porté par l’entreprise Holosis ;
- 45 hectares à Fos-sur-Mer, près de Marseille porté par le fabricant Carbon ;
Ces « gigafactories » visent à mettre sur le marché 20 millions de panneaux par an d’ici 2027, représentant une puissance de 10GW, et permettant de proposer une alternative aux fabricants chinois ultra-majoritaires aujourd’hui. L’État s’est engagé à utiliser les fonds du plan « France 2030 » doté de 54 milliards d’euros pour soutenir ces projets et relancer la filière de production en France.
À terme, l’objectif affiché est de pouvoir produire sur le territoire national à minima 40% des panneaux photovoltaïques utilisés dans des projets en France d’ici 2030. Néanmoins, ces gigafactories n’en sont qu’à l’étape de dépôt de leur permis de construire et, pour les voir sortir de terre et trouver leur financement, le gouvernement a pensé le second volet de son Pacte Solaire en conséquence.
Favoriser les projets ayant recours aux panneaux français
Pour soutenir efficacement la réindustrialisation et la relocalisation de la production de panneaux solaires en France, plusieurs initiatives ont été élaborées au sein du Pacte Solaire.
Tout d’abord, le gouvernement envisage de mettre en place un système similaire au Nutriscore dans le domaine alimentaire, appelé « Induscore ». Ce système attribuerait une note allant de A à E en fonction du pourcentage de fabrication du panneau réalisé en Europe :
- A si au moins 4 étapes de production sont effectuées en Europe,
- E si le panneau est importé d’un pays hors d’Europe.
Parallèlement à cette mesure, le gouvernement vise à obtenir des engagements fermes d’achats de la part des principaux développeurs pour donner de la visibilité et dérisquer les projets de gigafactories en veillant à ce que les énergéticiens et autres grands acheteurs garantissent dès 2025 des débouchés aux usines de panneaux solaires français. Actuellement, 29 grands développeurs d’énergie renouvelable et acheteurs de panneaux ont déjà pris l’engagement de rejoindre le Pacte solaire. Ces signataires du pacte se sont engagés, à partir de 2025 et sous réserve de la disponibilité de la production ainsi que de la préservation de l’équilibre économique des projets, à acheter au minimum 30 % de panneaux certifiés InduScore D à A, dont 5 % de panneaux certifiés InduScore C à A.
En échange de ces achats réalisés en France, l’État s’engage à soutenir « massivement le développement du solaire en France » en renforçant les critères liés au « contenu carbone » dans les appels d’offres. Ainsi, un panneau solaire produit localement obtiendrait une meilleure note, et un projet intégrant des panneaux français aurait plus de chances d’être lauréat des appels d’offres menés par le gouvernement pour les projets de grande envergure.
Ces efforts ne seraient pas complets s’ils n’étaient pas accompagnés de mesures fortes à l’échelle européenne. Malgré des incertitudes quant à la date de sa mise en œuvre, l’Union européenne est en passe de faire appliquer le nouveau « Net-Zero Industry Act » (NZIA). Inspiré par les nombreuses politiques protectionnistes des États-Unis et de la Chine, le NZIA imposera une part de production européenne dans divers équipements, dont les panneaux solaires, les éoliennes, les batteries, les électrolyseurs, les piles à hydrogène, les pompes à chaleur, et autres équipements pour les réseaux électriques, favorisant davantage le made in France dans les projets d’énergies renouvelables.
Le regard d'Etyo
S’ils voient le jour, ces projets de méga-usines permettraient de couvrir une part importante des besoins français en termes de panneaux photovoltaïques dans les années à venir. Néanmoins, le coût des panneaux ne représente que 20% du coût d’une centrale solaire et la France comme l’Europe sont dépendantes de la Chine pour de nombreux autres éléments clés comme les onduleurs, les transformateurs et l’acier des structures support. Ces éléments pourraient-ils faire l’objet d’un Pacte Solaire élargi ?
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Camille LIGUORI
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